Image par rieslingtrocken de Pixabay

Ce mois-ci, j’ai rencontré Luke Archer, fondateur de l’Aïkido Verbal. En tant que gestionnaires de projet, nous sommes parfois exposés à des comportements négatifs. Luke nous présente la discipline qu’il a mis en place pour, justement, gérer les attaques verbales. 

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Dans l’art martial de l’aïkido, on utilise la force de notre adversaire pour réduire son attaque à néant et ainsi se défendre. 

Les postures “Moi, Toi, Nous”

En Aïkido Verbal, on fonctionne sur le même principe. En effet, on peut considérer la pratique comme une danse avec plusieurs postures : “Moi” (posture 1), “Toi” (2), “Nous” (3). Les postures se combinent de façon à ce que Moi (1) + Toi (2) = Nous (3).

Le “Moi” est utilisé pour se recentrer, le “Toi” pour mieux comprendre où son interlocuteur en est dans sa volonté de communiquer avec “Moi”. On réalise ensuite une série d’enchaînements (“Moi”, “Toi”) jusqu’à ce que la tension diminue entre son interlocuteur et soi-même pour rejoindre le “Nous”. C’est avec le “Nous” que l’on atteint finalement un stade de conversation.

En utilisant le “Moi” et en se recentrant, on tente de comprendre son adversaire (“Toi”) et on lui propose d’être entendu. Cela permet d’ouvrir la voie vers une conversation constructive. Il est primordial de faire en sorte que l’autre (“Toi”) puisse sauver la face.

Se préparer à l’Aïkido Verbal

Comme dans la majorité des sports, en aïkido, on réalise une série d’étirements avant de pratiquer. De la même manière, en Aïkido Verbal, on commence toujours par :

  1. s’aligner,
  2. se centrer,
  3. s’étirer (verbalement).

S’aligner

La première chose à faire durant l’échauffement, est d’aligner son esprit, son cœur et son corps dans la gratitude. Avec le temps, on arrive à ressentir de la gratitude pour les opportunités de pratiquer en dehors du dojo. Ainsi la croûte terrestre devient notre tatami. Au dojo on prend quelques instant à développer le réflexe de ramener la gratitude dans notre esprit, notre coeur et notre corps, chacun est libre de le faire comme il/elle entend.

Se centrer

Une fois que nous nous sommes alignés avec nous-même, il convient de nous centrer. Cela nous permet notamment de prendre de la distance avec le conflit à venir. Il existe de nombreuses façons pour se centrer. Les plus courantes vont inclure la respiration (par exemple la cohérence cardiaque) et le ressenti corporel (par exemple la sophrologie), celles-ci nous aident à être présent avec soi et ensuite avec notre entourage.

S’étirer (verbalement)

La dernière étape de l’échauffement consiste à faire du “stretching verbal”. On se prépare physiquement avec, par exemple, un exercice autour d’un mot ou d’un terme. Cet étirement doit être travaillé dans la posture et dans l’expression et nécessite une écoute neutre.

Ces trois enchaînements sont à réaliser avant l’entraînement.

JADE, ce qu’il faut éviter

Durant la pratique, il est important d’éviter d’entrer dans un dispositif JADE (Justifier, Argumenter, Défendre, Expliquer). On souhaite aller chercher une conversation constructive et non chercher à persuader l’autre.

L’aïkido est l’art de la non-résistance. Cela signifie que l’on accueille ce qui arrive (ce qui nous est dit) pour mieux le comprendre et voir dans quelle direction on peut aboutir.

L’Aïkido Verbal pour Luke

Pour Luke, la pratique de l’Aïkido Verbal signifie :

Sérénité : on retrouve plus facilement un calme intérieur, lorsque les attaques arrivent, on cherche à protéger tous ceux qui participent à l’échange.

Créativité : on doit laisser la place à quelque chose d’inattendu ou d’imprévu à arriver – c’est seulement en écoutant soi-même et l’autre que l’on peut créer un pont entre deux besoins et proposer un véritable “Nous” approprié.

Communauté : plus nous fréquentons des personnes empathiques et motivées par la compassion, plus nous développons notre propre empathie et capacité à partager cette compassion. Les praticiens d’Aïkido Verbal partout dans le monde continuent à développer et à partager cette pratique dans la bienveillance et accueil de l’autre. 

La place de l’égo en Aïkido Verbal

Notre égo peut nous protéger dans certains cas. Néanmoins, l’arrogance nuit à la conversation. Si notre intention est de prioriser notre relation avec l’autre, on doit mettre notre égo de côté.

Au contraire, l’humilité fluidifie les mouvements et peut être considérée comme une posture qui nous aide dans nos relations. 

Le lien avec la Communication Non Violente (CNV)

Dans son ouvrage “La Communication Nonviolente au quotidien”, Marshall B. Rosenberg désigne la Communication Non Violente (CNV) comme “le langage et les interactions qui renforcent notre aptitude à donner avec bienveillance et à inspirer aux autres le désir d’en faire autant”.

Luke nous précise qu’à peu près 5% de la population souffre d’une déficience en empathie. Ces personnes sont généralement focalisées sur elles-mêmes. Elles ont du mal à mettre leur égo de côté et à donner suffisamment d’espace à leur interlocuteur pour s’exprimer.

En Aïkido Verbal, la CNV peut être considérée comme un kata (séquence de mouvements), un outil permettant de comprendre et exprimer les besoins de chacun et de ramener la discussion à une conversation constructive (en utilisant les postures “Toi” et “Moi” pour trouver un “Nous”).

Pour commencer à pratiquer

Lorsque l’on souhaite développer des compétences en Aïkido Verbal, il est important d’avancer progressivement, en commençant par :

  1. Gérer les attaques internes
  2. S’exercer sur une personne de son entourage
  3. Pratiquer avec des groupes de personnes

Lorsque l’on pratique l’Aïkido Verbal, on doit apprendre à reconnaître les tensions qui existent en nous, accueillir nos émotions, les comprendre, les interpréter et nous recentrer pour prendre suffisamment de recul.

Luke nous partage une image intéressante. En cas d’attaque, il ressent une émotion négative telle que la colère. À force d’exercices, il a développé un réflexe lorsqu’une telle situation arrive. C’est un peu comme si l’élastique d’un bonnet de bain venait claquer sur sa tête pour lui rappeler de se recentrer.

Le plus important, dans une telle situation, est de chercher à revenir à une position stable facilitant la communication. La colère ne doit pas se dégrader en rage, ce qui favoriserait l’échec de l’exercice.

Pour s’exercer, il faut se confronter à d’autres personnes. Il est préférable de favoriser la pratique de l’Aïkido Verbal au sein de groupes de personnes “sécurisées”. Luke a mis en place des dojo rassemblant plusieurs apprenants ayant tous la volonté de développer leurs compétences. Dans un premier temps, on conseille de s’exercer à l’Aïkido Verbal avec une personne de son entourage. Avec un peu de pratique, on va pouvoir ensuite participer à des séances avec plusieurs personnes, ce qui permettra sans aucun doute de renforcer ses compétences.

Un peu de lecture

Enfin, pour débuter et s’intéresser à l’Aïkido Verbal, il peut être intéressant de lire les ouvrages suivants : 

  • L’art de la paix (Morihei Ueshiba)
  • Aïkido Verbal (FR) – Ceinture Verte: L’art de diriger les attaques verbales vers un résultat équilibré (Luke Archer)
  • Aïkido Verbal Vol. 2 – La Ceinture Orange: L’art d’orienter les attaques verbales vers une issue équilibrée (Luke Archer)
  • From Conflict to Conversation: The Official Verbal Aikido™ Practitioner’s Guide (Luke Archer)

Merci à Luke pour cet échange riche autour de la pratique de l’Aïkido Verbal. N’hésitez pas à aller voir le site : https://www.verbalaikido.org/fr/accueil/

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